Investir une somme d’argent en quasi-usufruit

Rappels sur le démembrement de propriété

Le démembrement de propriété consiste en la séparation des droits qui constituent la pleine propriété d’un bien, à savoir :

  • L’usus : le droit de détenir et d’utiliser la chose ou le bien,
  • Le fructus : le droit de percevoir les revenus (fruits) d’une chose ou d’un bien,
  • L’abusus : le droit de disposer de la chose ou du bien (vendre, donner, modifier).

Le démembrement de la propriété crée ainsi l’existence de deux droits distincts :

  • l’usufruit, dont l’usufruitier disposera de l’usus et de l’abusus. En d’autres termes, il pourra utiliser le bien à sa guise mais ne pourra pas le vendre, le modifier, ou le donner.
  • la nue-propriété, dont le nue-propriétaire n’a pas la possibilité d’utiliser le bien tant que l’usufruit subsiste, mais a la possibilité de céder son droit ou d’attendre l’extinction de l’usufruit pour retrouver la pleine propriété.

Le démembrement peut avoir plusieurs origines :

  • Une origine légale : lorsqu’il a été créé par une succession (rappelons qu’au décès de son conjoint, l’époux survivant a la possibilité d’hériter de la totalité de l’actif successoral en usufruit).
  • Une origine conventionnelle : lorsqu’il a été créé volontairement par les parties (par exemple, lors d’une donation ou d’une acquisition démembrée).

N’importe quel type de bien peut faire l’objet d’un démembrement. Lorsqu’il s’agit d’un bien consomptible, comme par exemple une somme d’argent ou une denrée, comment s’assurer que la consommation de l’usufruitier ne portera pas atteinte au droit du nu-propriétaire ?

Le quasi-usufruit et la créance de restitution

La définition du quasi-usufruit est donnée à l’article 587 du Code civil : “Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution.

Le quasi-usufruit porte donc sur les biens que l’on ne peut pas utiliser, sans les consommer. On parle alors de bien consomptible.

Au terme, le quasi-usufruitier devra restituer :

  • soit des choses de même qualité et en même quantité
  • soit une somme d’argent équivalente (puisque le bien aura été consommé et ne pourra pas être restitué en tant que tel), voir actualisée selon les termes prévus par une éventuelle convention. C’est ce qu’on appelle une créance de restitution.

Le nu-propriétaire devient alors un créancier sur la succession du quasi-usufruitier. Il pourra ainsi récupérer le reliquat non consommé du quasi-usufruit, et prélèvera d’autres biens composant la succession jusqu’à obtenir la valeur de sa créance. Les autres héritiers se partageront alors les biens restants dans la succession.

Des situations délicates peuvent toujours arriver, comme lorsque l’actif successoral est insuffisant pour rembourser la créance de restitution.

La convention de quasi-usufruit

Afin de prévenir les conflits, protéger le nu-propriétaire et fixer les modalités de revalorisation et de règlement de la créance de restitution, nous recommandons de rédiger une convention de quasi-usufruit.

La convention de quasi-usufruit aura pour objectif de reconnaître le quasi-usufruit légal, ou de le constituer lorsqu’il est conventionnel. Elle permet de définir plusieurs points importants tels que :

  • L’obligation ou la dispense d’inventaire par le quasi-usufruitier
  • La caution ou la dispense de caution par le quasi-usufruitier
  • L’obligation d’employer les sommes d’argent sur un support particulier, ou non.
  • L’indexation de la créance de restitution ou non.

etc…

💡 La convention pourra être rédigée par acte authentique (devant notaire) ou par acte sous seing privé (lorsque le nu-propriétaire est héritier du quasi-usufruitier) et sera à minima enregistrée à la recette des impôts pour lui conférer date certaine, et mentionnée dans le testament du quasi-usufruitier.

Les solutions pour investir une somme d’argent en quasi-usufruit

 Lorsque le quasi-usufruit porte sur une somme d’argent, le quasi-usufruitier a plusieurs solutions pour investir ce capital. Pour chacune de ces solutions, nous recommandons d’ouvrir un contrat pour chaque couple usufruitier / nu-propriétaire. De plus, il est important de conserver la traçabilité des fonds en réalisant une déclaration d’emploi ou de remploi des capitaux lors de la souscription.

▶️ Le contrat de capitalisation

Le contrat de capitalisation est l’équivalent du contrat d’assurance vie, mais il ne comporte pas de clause bénéficiaire et n’est donc pas dénoué en cas de décès de son souscripteur. Aussi, le contrat est intégré dans l’actif successoral du défunt et peut être transmis en l’état, comme s’il s’agissait d’un immeuble.

Au cours de la vie du contrat, sa fiscalité (sur les plus-values) est la même que celle de l’assurance vie. En l’absence de rachat, aucune fiscalité n’est due. Ce n’est qu’au moment du rachat que la quote-part de plus-value (ou d’intérêts) sera taxée. Le mode d’imposition sera alors identique à un rachat sur assurance vie : à partir de 8 ans, un taux réduit et un abattement permettront de limiter fortement l’imposition.

Le contrat de capitalisation est un réceptacle utile et souvent privilégié, à la demande des assureurs, pour le remploi de fonds issus d’un quasi-usufruit.

L’extinction de l’usufruit permet au nu-propriétaire de retrouver la pleine propriété du contrat. Il pourra conserver ainsi le conserver en l’état tout en gardant son antériorité. Libre à lui, ensuite, de réaliser des arbitrages, des versements supplémentaires, des rachats, ou encore de le transmettre par donation ou succession.

Au décès de l’usufruitier, le contrat de capitalisation inscrit à l’actif successoral permettra d’éteindre la créance de restitution. Il ne pèse donc pas de risque de requalification fiscale dans ce schéma.

Les supports accessibles au sein du contrat de capitalisation sont identiques à ceux accessibles sur un contrat d’assurance vie, avec la présence d’un fonds en euros et de toutes sortes d’unités de compte.

▶️ Le contrat d’assurance vie

Pour rappel, les capitaux d’un contrat d’assurance vie sont versés aux bénéficiaires désignés dans la clause bénéficiaire du contrat, en dépit des règles liées à la dévolution successorale légale, et sont taxés selon les modalités des articles 757 B ou 990 I du Code Général des Impôts.

Plusieurs possibilités sont envisageables pour investir des sommes issues d’un quasi-usufruit au travers de l’assurance vie :

👉 La souscription d’un contrat démembré entre le quasi-usufruitier et le nu-propriétaire.

Solution parfois difficile à mettre en œuvre en raison de la réticence de certains assureurs, elle reste néanmoins possible. Le quasi-usufruitier et le nu-propriétaire vont ouvrir, ensemble, un contrat d’assurance vie. Les droits de chacun sur le contrat seront calibrés en fonction des modalités prévues dans la convention de quasi-usufruit.

Lors du décès de l’usufruitier, le contrat sera maintenu avec le nu-propriétaire comme seul titulaire. Il pourra ensuite utiliser le contrat comme bon lui semble.

👉 La souscription en pleine propriété d’un contrat par le quasi-usufruitier et la désignation à titre gratuit du nu-propriétaire dans la clause bénéficiaire.

Si la désignation est à titre gratuit, les capitaux décès seront alors transmis au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) et taxés selon les modalités des articles 757 B ou 990 I du Code Général des Impôts.

Le nu-propriétaire n’étant pas nécessairement désigné dans la clause bénéficiaire, il pourra porter sa créance de restitution au passif de la succession du quasi-usufruitier. (Cour d’appel de Douai le 12 mai 2016 n° 15/03664) Ainsi, la créance de restitution permettra de réduire l’actif successoral et donc, de réduire la base taxable aux droits de succession, à condition d’avoir enregistré une convention de quasi-usufruit.

Un double avantage donc, puisque le nu-propriétaire qui aurait été désigné bénéficiaire du contrat d’assurance vie recevra d’une part le bénéfice du contrat d’assurance vie avec ses avantages successoraux (Articles 757B et 990I du CGI), et d’autre part, il prélèvera sa créance de restitution sur la succession du quasi-usufruitier en franchise de droits.

Attention toutefois à prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter la requalification de l’opération au titre de l’abus de droit ou du mini abus de droit, lorsque le but poursuivi par l’opération est principalement fiscal. Il convient alors de faire vivre ce contrat d’assurance vie dans un réel intérêt patrimonial, autre que fiscal.

👉 La souscription en pleine propriété d’un contrat par le quasi-usufruitier et la désignation à titre onéreux du nu-propriétaire dans la clause bénéficiaire.

Si la désignation du nu-propriétaire est à titre onéreux, alors il percevra les fonds en règlement de la créance de restitution. Ainsi, le nu-propriétaire est assuré de retrouver sa créance, mais ne pourra plus la porter au passif de la succession. Les capitaux versés ne seront pas taxés à hauteur du montant de la créance, et, pour le surplus, seront imposés selon la fiscalité particulière de l’assurance vie.

Cette solution semble moins attractive sur un plan fiscal mais offre une plus grande sécurité à toutes les parties, puisque le nu-propriétaire est assuré de recevoir le remboursement de sa créance de restitution, et le risque de requalification par l’administration fiscale est écarté.

▶️ Le compte titres

Cette solution sera souvent choisie lorsque les parties ont le souhait d’investir sur un ou plusieurs titres financiers en particulier, comme une action d’entreprise. Ainsi, les dividendes versés permettront à l’usufruitier de compléter ses revenus, et l’évolution de la valeur du titre bénéficiera au nu-propriétaire. 

Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire retrouvera la pleine propriété du compte titres et pourra s’il le souhaite, le transmettre à son tour.

Conclusion

Il n’existe pas de réponse universelle pour répondre à la question : Comment investir une somme d’argent en quasi-usufruit ?

Certaines précautions d’usage sont toutefois utiles quelle que soit la solution retenue, comme la rédaction d’une convention de démembrement et d’une déclaration de remploi, l’ouverture d’autant de contrats qu’il existe de nu-propriétaires, et surtout, l’accompagnement par un professionnel du patrimoine.

💡 La solution dépendra donc de tous les paramètres liés à votre situation patrimoniale, notamment : l’âge des parties, le besoin de liquidités, le niveau de risque accepté et l’objectif de rendement, la composition globale du patrimoine, l’origine du démembrement, l’égalité entre les héritiers, etc…

 Mezinvest se tient à vos côtés afin de vous accompagner dans l’ensemble de vos opérations patrimoniales.